Couverture catalogue Parisiennes citoyennes ! Engagements pour l'émancipation des femmes (1789-2000), Paris Musées © Raphael Chipault
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Pourquoi le catalogue de l’exposition « Parisiennes citoyennes » est-il indispensable ?

Publié le 28 octobre 2022

À voir jusqu’au 29 janvier au musée Carnavalet, l’exposition « Parisiennes citoyennes ! Engagements pour l’émancipation des femmes (1789-2000) » rassemble photographies, peintures, estampes et archives en tout genre autour d’une histoire des luttes au féminin. Elle se double d’un riche catalogue, ouvrage collectif dirigé par Christine Bard, idéal si l’on souhaite se souvenir de l’exposition, la visiter tranquillement depuis son canapé, ou l’offrir pour Noël – qui n’est plus si loin ! Extraits, au fil de cinq œuvres majeures.

Page 40 : les clubs de citoyennes durant la Révolution

Jean-Baptiste Lesueur, Club Patriotique de femmes, 1789 © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

Jean-Baptiste Lesueur, Club Patriotique de femmes, 1789 © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

Cette gouache sur carton réalisée par Jean-Baptiste Lesueur entre 1789 et 1795 illustre un phénomène méconnu de la Révolution française : les « Clubs patriotiques de femmes ». Car si les clubs étaient en effet essentiels aux rassemblements, aux discussions et à l’organisation générale de la Révolution, ils étaient majoritairement réservés aux hommes – la première société féminine sera officiellement fondée en 1791 par la Hollandaise Etta Palm d’Aelders.

Regardez (à la loupe) : on voit dans cette composition resserrée une citoyenne lire à ses comparses les nouvelles, une autre récolter des dons… Leurs coiffes, leurs vêtements et leurs attitudes diffèrent, et détaillent un mélange des classes sociales, populaires et bourgeoises, au sein des clubs.

Ainsi les Parisiennes, autant que les Parisiens, ont été précieuses à cet événement phare de l’histoire française, et ont réclamé avec force le droit de se faire entendre, au même titre que leurs compagnons de lutte.

Page 107 : le phénomène Camille Claudel

William Elborne, Camille Claudel modelant Sakountala et son amie Jessie Lipscomb dans leur atelier, 1887, © Musée Rodin

William Elborne, Camille Claudel modelant Sakountala et son amie Jessie Lipscomb dans leur atelier, 1887, © Musée Rodin

Son histoire est bien connue. Camille Claudel a été l’égale d’Auguste Rodin, sa maîtresse et sa muse, oui, mais surtout une redoutable rivale au talent immense.
Maltraitée, enfermée, elle a été considérée comme folle malgré son immense talent – et son non moins immense courage.

Cette photographie de William Elborne en témoigne : l’exercice de la sculpture est on ne peut plus physique. Tout sauf domestique, il se pratique debout, penché sur l’ouvrage…

Le catalogue, qui enchaîne les portraits d’artistes femmes comme Rosa Bonheur ou Marie Bashkirtseff, rappelle les mots du critique Octave Mirbeau à son sujet : « Voici une jeune femme au cerveau bouillonnant d’idées, à l’imagination somptueuse, à la main sûre, assouplie à toutes les difficultés du métier de statuaire ; une jeune femme exceptionnelle sur qui n’est demeurée l’empreinte d’aucun maître et qui prouve que son sexe est susceptible de création personnelle ; voici une admirable et rare artiste enfin. Qu’en fait-on ? Et que dit d’elle la critique ? Devant ces morceaux poignants, où la nature si exceptionnellement comprise et sentie, revit de tous les prestiges de l’art, la critique passe et elle dit : “Agréable ouvrage, œuvre délicate”, comme s’il s’agissait d’une tapisserie faite, le soir, entre une vieille douairière qui tousse, et un vieillard qui ronfle au coin du feu ! Mais à quoi servent-ils, les critiques ? »
Bien envoyé !

Page 123 : le vélo au féminin

Jean Béraud, Le Chalet du Cycle au bois de Boulogne, 1900 © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Jean Béraud, Le Chalet du Cycle au bois de Boulogne, 1900 © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Cette peinture de Jean Béraud, peintre de la Belle époque, peut sembler innocente. Il n’en est rien, nous explique le catalogue.

Car l’homme n’a rien de moqueur au bout du pinceau lorsqu’il peint une jeune femme en culotte bouffante (dite « bloomer »), sur le point d’enfourcher son vélo et de partir pour une balade dans les allées du bois du Boulogne. La scène est heureuse, animée par d’autres femmes en culottes au premier plan, se reposant et bavardant joyeusement, tandis qu’une autre, à droite de la composition, se penche carrément sur les rouages de son vélo pour en comprendre le fonctionnement.

L’autrice rappelle que la culotte est pourtant, à la même époque, victime d’incessants quolibets dans la presse, où ne cessent de paraître des caricatures effarées de voir des femmes enfiler des vêtements les laissant libres de leur mouvement. Le port de la culotte était donc un acte politique et d’affirmation, et sa représentation, un soutien bienvenu.

Page 219 : une inoubliable figure de grève

Willy Ronis, Rose Zehner dans l’atelier de sellerie de l’usine Citroën quai de Javel. Grève déclenchées par la remise en question des acquis du Front populaire 25/03/1938 Photo © Ministère de la Culture / Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais

Willy Ronis, Rose Zehner dans l’atelier de sellerie de l’usine Citroën quai de Javel. Grève déclenchées par la remise en question des acquis du Front populaire 25/03/1938 Photo © Ministère de la Culture / Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais

C’est l’une de ses photographies les plus célèbres. Envoyé pour immortaliser une grève des ouvrières de Citroën le 22 mars 1938, Willy Ronis se souvient : « Les gens criaient de colère. Je n’ai pas eu une vraie réaction de reporter : l’atmosphère était tellement tendue que je me suis senti de trop et suis parti. Je n’ai fait qu’une photo, celle-là. » Et quelle image !

Destinée au magazine communiste Regards, celle-ci est une illustration parfaite de la lutte qui s’incarne à travers une voix singulière, pour en représenter des centaines, voire des milliers.

La femme au doigt tendu et accusateur s’appelle Rose Zehner. Licenciée après cette grève dont elle était la figure de proue, elle a ensuite ouvert un bistrot dans le 15e arrondissement, Chez Lulu et Rosette. Et a recroisé le photographe en 1983 devant la caméra de Patrick Barberis pour son film Un voyage de Rose. Quel destin !

Page 306 : le MLF dans l’œil d’Esther Ferrer

Esther Ferrer, Série: Mains Féministes - Photo noir et blanc à partir d’un rayogramme de 1977 - N° série: 2/9C - 1977/2005 - Tirage 2012. Collection privée Esther Ferrer

Esther Ferrer, Série: Mains Féministes - Photo noir et blanc à partir d’un rayogramme de 1977 - N° série: 2/9C - 1977/2005 - Tirage 2012.

Collection privée Esther Ferrer

Les militantes des années 70 s’en souviennent sans doute : des manifestations du Mouvement de libération des femmes ou MLF émergeaient souvent des mains jointes, pour former les lignes d’une vulve.

Ce geste, l’artiste espagnole Esther Ferrer l’a immortalisé dans une série d’images intitulées les Mains féministes (comme ici en 1977), et y a glissé son œil. Avec bienveillance et humour, l’artiste crée ici une œuvre comme un totem, pour un mouvement féministe emblématique du XXe siècle. Et entre, à son tour, dans l’histoire.

Informations pratiques

Parisiennes citoyennes ! Engagements pour l'émancipation des femmes (1789-2000)

Exposition présentée jusqu'au 29 janvier 2023 au Musée Carnavalet - Histoire de Paris
23, rue de Sévigné
75003 Paris

https://www.carnavalet.paris.fr/

Réservation conseillée sur notre billetterie en ligne