5. Anna-Eva Bergman dans son atelier à Antibes, 1975, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
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À la découverte d’Anna-Eva Bergman, incontournable peintre à la feuille d’or

Publié le 30 mai 2023

Jusqu’au 16 juillet 2023, le Musée d’Art Moderne de Paris propose de (re)découvrir l’artiste norvégienne Anna-Eva Bergman (1909-1987).

Plus de 200 œuvres composent le parcours de cette grande rétrospective, qui va de ses premiers dessins à ses toutes dernières œuvres, et éclaire la singularité d’une peinture abstraite où la couleur dialogue avec des feuilles d’or ou de métal… Portrait, en cinq arrêts.

Une jeunesse européenne

Anna-Eva Bergman El generalissimo Vers 1935

Anna-Eva Bergman El generalissimo Vers 1935 Mine de plomb sur papier 43,8 x 33,8 cm Fondation Hartung-Bergman © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Claire Dorn

1909. Anna-Eva Bergman naît à Stockholm mais grandit en Norvège, où elle suit des cours d’art à Oslo, puis à Vienne. Dès ses jeunes années, elle affiche un vif talent pour le dessin ; elle multiplie les saynètes savoureuses. À Paris, elle suit quelques temps les cours de l’Académie d’André Lhote, mais s’y ennuie beaucoup.

Elle rencontre Hans Hartung, l’épouse en 1929 à Dresde ; ils séjournent sur la Côte d’Azur, à Paris, Berlin… Et s’installent sous le soleil de Minorque, en Espagne, dans une maison au bord de la mer. Ces années, notamment 1934 et 1935, sont celles d’un grand bonheur. Anna-Eva travaille alors pour la presse norvégienne, à laquelle elle fournit ses dessins les plus piquants et inspirés.

En 1937, un changement radical advient : elle rompt avec Hartung, souffrante, elle multiplie les séjours de convalescence en Italie.

Retour aux sources nordiques

Anna-Eva Bergman [Fragment d’une île en Norvège] Vers 1951

Anna-Eva Bergman [Fragment d’une île en Norvège] Vers 1951 Tempera et encre de Chine sur papier 50 x 65 cm Musée d’Art Moderne de Paris © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman  passe les années noires de la Seconde Guerre mondiale en Norvège, pays occupé dont elle décrit le quotidien dans des dessins. Elle réalise également des caricatures antinazies.

L’artiste cesse toute pratique figurative et illustrative. Elle étudie les maîtres anciens, le nombre d’or, la symbolique des couleurs. Elle s’oriente alors vers la peinture abstraite. Partant à la découverte de son propre pays, elle fait un grand voyage jusqu’au Cap Nord en 1950 et effectue plusieurs résidences d’artistes à Citadelløya, dans le sud de la Norvège. Éblouie par les paysages, elle crée la série Fragments d’une île en Norvège, s’intéresse à la géologie et aux minéraux…

C’est aussi dans ces années-là qu’elle utilise pour la toute première fois des feuilles de métal dans une peinture : le style Bergman est en germe.

Feuille de métal sur toile

Anna-Eva Bergman N°18-1956 Grand soleil 1956

Anna-Eva Bergman N°18-1956 Grand soleil 1956 Huile et feuille de métal sur toile 162 x 143 cm Stortinget, The Norwegian Parliament © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Peter Mydske / Stortinget

Dans les années 50, la peinture d’Anna-Eva Bergman s’affirme de plus en plus, et l’emploi de feuilles de métal se fait systématique. Elles sont en or, en argent, en aluminium, en cuivre, en étain, en plomb… Grâce à elles, les toiles affichent une palette chromatique extrêmement riche, faite d’effets lumineux très étudiés, de variations, de frottements, d’ombres, d’ondulations…

Les formes restent simples : un triangle comme une montagne, un rond imparfait comme un soleil. Anna-Eva Bergman a des obsessions, des motifs qui reviennent sans cesse dans ses travaux : les pierres, les barques, les stèles, les montagnes, les planètes… Autant de thèmes qui la rattachent au réel.

D’ailleurs, pour qualifier son travail, elle ne parle jamais vraiment d’art abstrait mais «d’art d'abstraire » ou d'art « non-figuratif ». Elle est également une excellente graveuse et maîtrise différentes techniques d’estampes, telles que l’eau-forte ou l’aquatinte et surtout la gravure sur bois, illustrées dans une salle du parcours.

Les grandes compositions

Anna-Eva Bergman N°4-1967 Montagne transparente

Anna-Eva Bergman N°4-1967 Montagne transparente 1967 Vinylique et feuille de métal sur toile 180 x 270 cm Fondation Hartung-Bergman © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Claire Dorn

Anna-Eva Bergman n’est pas une peintre du geste spontané. Bien au contraire, ses peintures nécessitent de longues préparations.

Au fil des décennies, l’artiste explore différentes techniques de peinture : dans les années 50, c’est la tempera qui l’intéresse, puis, dans les années 1960, la peinture vinylique, avant l’acrylique dans les années 70. Elle travaille à partir de fonds préparatoires très colorés (un exemple est montré dans l’exposition), qui confèrent aux couches suivantes une aura vibrante, qui semble les éclairer de l’intérieur. Sur les feuilles de métal, dont on devine souvent la forme carrée, elle applique des glacis et des vernis colorés afin d’enrichir leurs nuances. Elle n’hésite pas à arracher des feuilles pour laisser apparaître des traces subtiles, et jouer avec des textures moirées.

En 1964, Anna-Eva Bergman et Hans Hartung, de nouveau en couple depuis leurs retrouvailles à Paris au début des années 50, voyagent ensemble au nord de la Norvège et prennent plus d’un millier de photographies ; ce second voyage au Cap Nord est à nouveau très important pour Bergman, qui s’en inspirera très longtemps.

Le Sud pour boussole

Anna-Eva Bergman N°13-1976 Deux Nunataks

Anna-Eva Bergman N°13-1976 Deux Nunataks 1976 Acrylique et feuille de métal sur toile 150 x 300 cm Fondation Hartung-Bergman © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Fondation Hartung-Bergman

Si les paysages du Nord, le soleil nocturne et les infinis bleutés ont passionné Anna-Eva Bergman, ceux du Sud, en particulier la Méditerranée l’ont également modelée et profondément nourrie.

Après Minorque dans la première partie de sa vie, et Carboneras en Andalousie dans les années 1960 - où Hartung et elle ont l’idée de faire construire une maison au sein d’une une colonie d’artiste, sans réussir toutefois à cause des taxes d’exportation trop lourdes pour leurs œuvres -, c’est  à Antibes qu’elle s’installe en 1973, toujours avec Hartung, dans une villa aujourd’hui transformée en fondation ouverte au public.

Plus elle avance en âge, plus Bergman tend vers l’épure. Elle travaille sur de tout petits formats, grands comme un livre de poche, ou au contraire des toiles monumentales, qu’elle couvre de signes évoquant le ciel, le soleil, les pierres, les horizons, les étendues d’eau. Sa peinture apparaît comme une ode constamment renouvelée aux beautés naturelles… Où la demi-barque, en symbolisant le passage vers l’au-delà s’impose de plus en plus. La fin approche, l’artiste le sait ; mais elle continue de peindre. Jusqu’au bout.

En savoir plus

« Anna-Eva Bergman. Voyage vers l’intérieur »

Exposition présentée jusqu'au 16 juillet 2023

au Musée d'Art Moderne de Paris

11 avenue du Président Wilson

75116 Paris

Tél : 01 53 67 40 00

Horaires 

Ouvert de 10h à 18h du mardi au dimanche.
Nocturne les jeudis jusqu’à 21h30.

Tarifs

Plein tarif: 15€
Tarif réduit : 13€