Portrait de Valérie Guillaume
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5 questions à Valérie Guillaume , directrice du Musée Carnavalet - Histoire de Paris et de la Crypte archéologique de l’Île de la Cité

Publié le 19 Mayo 2020

Chaque semaine les directeurs des musées de la Ville de Paris sont invités à présenter leur musée en 5 questions/réponses.

Alors que le musée Carnavalet - Histoire de Paris a temporairement interrompu le réaccrochage des collections permanentes, Valérie Guillaume sa directrice nous parle de son parcours et des collections du musée.

Comment est née votre passion pour l'art ?

D’un faisceau de curiosités et d’intérêts, de découvertes comme aussi de rencontres ! J’ai très tôt dévoré tous les livres que je pouvais trouver. Leur diversité, dans la famille nombreuses et multigénérationnelle au sein de laquelle je vivais, ouvrait beaucoup d’horizons sensibles, romanesques, poétiques, esthétiques, géographiques, scientifiques, historiques…. 

Quelques épisodes marquants jalonnent ma jeunesse parisienne : voir la pièce de F. Garcia Lorca,  la maison de Bernarda Alba avec Isabelle Adjani au début des années 1970, visiter en 1975 l’exposition « 1925 » au musée des arts décoratifs par François Mathey et Yvonne Brunhammer, découvrir les mouvements féministes, retourner régulièrement à Rome et dans les environs pour y explorer la ville antique et le territoire de l’ancienne Etrurie…

J’ai suivi un double cursus d’études de lettres classiques et d’histoire de l’art et archéologie, tout en travaillant parallèlement. Après le concours de conservateur du patrimoine, j’ai suivi des stages très formateurs, notamment au musée de Céramique de Sèvres. La découverte du matériau céramique et celle de gestes professionnels exécutés à la perfection ont profondément marqué mon parcours professionnel. J’ai toujours privilégié les projets et les sujets de recherche proches des créateurs, des fabricants, des concepteurs, des auteurs. Leur exigence me fascine. Leurs travaux m’aident aussi à comprendre les réalisations de leurs prédécesseurs, dans une perspective historique.  

Présentez-nous le musée Carnavalet - Histoire de Paris en 3 œuvres

Le musée Carnavalet raconte l’Histoire de Paris. Il a été fondé par le préfet de la Seine Georges Eugène Haussmann en 1866. Ses collections sont d’une richesse inouïe.

Je retiendrai d’abord cet ensemble que les travaux de rénovation du musée ont permis de réunir, pour faire sens. Il s’agit de la porte d’entrée de l’ancien hôtel de Ville, datant du milieu du XVIIe siècle. Un vantail avait survécu à l’incendie du 24 mai 1871. L’archéologue Michel Fleury l’avait retrouvé dans une réserve. Sa nouvelle présentation permettra d’en admirer la restauration, d’exposer l’élément sculpté, seul subsistant, du vantail droit, et d’y associer (d’un regard vers le jardin du musée où elle a été installée au début du XXe siècle) la statue équestre d’Henri IV qui surmonta cette porte monumentale, de 1838 à l’incendie.

L’ensemble de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, que la restauration et la scénographie vont révéler, est tout à fait hors du commun. L’harmonie du décor blanc et or et le jeu des quatre miroirs disposés en losange recomposent magnifiquement l’espace du salon de compagnie de l’hôtel d’Uzès. Quelle a été notre démarche ? Rester fidèles à la présentation des éléments originaux, arrivés incomplets, interpréter des documents historiques, parfois lacunaires, et enfin privilégier des restitutions discrètes. L’espace d’exposition des « chambres » que Marcel Proust a occupées a suscité des questionnements semblables, résolus dans un cadre collectif.

Porte de l’hôtel de Ville en cours de restauration

Porte de l’hôtel de Ville en cours de restauration

© Antoine Mercusot

Les décors après restauration Musée Carnavalet

Les décors après restauration

© Pierre Antoine

Détail du salon d'Uzès restauré

Détail du salon d'Uzès restauré

© Pierre Antoine

Lit de Marcel Proust

Lit de Marcel Proust

© Paris Musées - Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Une anecdote à nous raconter ?

Les rencontres les plus variées jalonnent mon travail quotidien. Je salue l’extraordinaire personnalité de la collectionneuse Roxane Debuisson qui m’a toujours reçue avec une grande bienveillance. Sa culture et son humour nous manquent. Depuis plus de quatre ans, je vois régulièrement aussi Jean-Louis Tabaste, un grand donateur du musée que Paris et son histoire passionnent ; il connaît mieux que personne l’histoire du quartier de Pigalle et des lieux de divertissement parisiens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale; j’apprends également avec lui un tout autre aspect de la capitale, en rapport cette fois avec l’histoire de la liberté de la presse, depuis 1881. 

Les rencontres, et les transmissions qu’elles occasionnent, ont été particulièrement nombreuses à l’occasion de la préparation de l’exposition « le Marais en héritage, 50 ans de sauvegarde depuis la loi Malraux ». Les habitants du quartier, les membres d’associations, les experts et les spécialistes (architectes ou urbanistes, historiens, archéologues…), et plus récemment encore celles et ceux qui, passionnés d’enseignes, ont généreusement contribué à leur restauration, continuent de soutenir le musée.  Leur confiance honore et encourage tous les acteurs de la rénovation en cours.

Rénovation Musée Carnavalet

Paris Musées - Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Quelle est votre œuvre préférée du musée Carnavalet ?

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, attribué à Jean-Jacques Le Barbier (dit l’Aîné), vers 1789

© Paris Musées _ Musée Carnavalet – Histoire de Paris

Mes œuvres préférées sont si nombreuses ! Je privilégierais ici le processus de découverte et de compréhension d’une œuvre ou un ensemble d’œuvres.

Pour le nouvel accrochage, par exemple, j’ai noté que Georges Clemenceau avait donné au musée un ensemble conséquent d’œuvres datant de la Révolution française.

Je suis allée visiter le musée Clémenceau, récemment rénové. Et j’ai ensuite contacté Sylvie Brodziak qui avait travaillé à sa conception. Elle a très généreusement accepté un entretien filmé qui sera proposé aux visiteurs dans le parcours. Sa recherche sur les œuvres révolutionnaires données au musée par Clemenceau - et l’une d’entre elles est la fameuse Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen - convoque une histoire familiale extraordinaire, révélant des engagements et des idéaux personnels. Cette histoire à strates et à facettes démultiplicatrices est véritablement passionnante.

Quelle place tient le musée Carnavalet dans l’environnement culturel parisien ?

Centrale ! Le musée est au croisement de l’histoire et de l’archéologie parisienne, de la Préhistoire jusqu’à nos jours. Pendant la fermeture du musée, nous n’avons jamais perdu le contact avec les Parisiennes et les Parisiens et tous les amoureux de Paris. En 2019, plus de 17 000 personnes ont ainsi bénéficié de promenades pour les adultes ou d’ateliers en classe pour les enfants. Ce sont des activités assurées par les intervenantes culturelles et le professeur relais du musée. Les ateliers dans les écoles, centres de loisirs et hôpitaux ont permis ainsi d’associer, depuis plus de deux ans, des centaines d’enfants à la rénovation du musée en recueillant leurs contributions, dessinées ou écrites, sur les œuvres présentées.

Question bonus : que se passe t-il pendant la fermeture du musée ?

Assurer la protection des bâtiments et des œuvres est notre engagement quotidien. Je remercie les équipes de sureté et sécurité et leurs encadrants qui, 24 heures sur 24, assurent cette mission essentielle. Prendre soin des bâtiments et des œuvres qui appartiennent aux Parisiennes et aux Parisiens est notre mission. 

L’élaboration de tous les contenus d’accompagnement de la visite (textes, entretiens filmés, …), sur les publications, sur la préparation de la réouverture pour cette année, continue quant à elle, toujours intense. C’est une réalisation collective.

cour d'honneur

Cour d'honneur du musée Carnavalet (détail)

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